Cap Vert
Ma visite au Cap Vert est un concours de circonstance. La compagnie aérienne qui devait m’amener de Lisbonne à Sao Tomé e Principe ayant fait faillite peu avant la date de mon voyage, je me suis retrouvé avec en poche un vol Paris/Lisbonne. Lisbonne aurait été en soi une bonne destination si je n’y étais pas déjà allé quelques mois plus tôt. Le Cap Vert était pratiquement la seule destination depuis Lisbonne qui soit à la fois ensoleillée en plein hiver et pas trop cher, j’ai donc embarqué pour Espargos, l’aéroport international de l’archipel.
Je ne savais rien du Cap Vert avant d’embarquer, en dehors du fait que l’archipel avait été une colonie portugaise. Je ne savais pas qu’au Cap Vert, il n’y avait rien de vert ou si peu. Je ne savais pas non plus qu’en janvier/février, des tempêtes de sable venues du Sahara (l’harmattan) couvrait les iles d’un voile jaunâtre. Je ne savais pas que l’archipel était composé de 8 iles et que les déplacements d’une ile à l’autre étaient aussi irréguliers.
J’ai appris tout ça. J’ai appris qu’il fallait un sens aigu de l’humour pour appeler l’ile Cap Vert. J’ai appris qu’au sein d’un même archipel, chaque ile pouvait être unique, volcanique à Fogo, sableuse à Sal, montagneuse à São Nicolau, pêcheuse à Santiago… J’ai appris que la vie était dure au Cap Vert, que l’eau était précieuse, qu’il fallait être un brin téméraire pour s’installer sur l’Île, qu’à sa découverte elle était inhabitée parce qu’inhospitalière et qu’elle doit son développement (très relatif) à la traite négrière. J’ai appris qu’il y a plus de capverdiens à l’étranger que sur tout l’archipel, j’ai appris que ces derniers survivaient grâce aux ressources de la diaspora et j’ai parfois eu envie de dire à ceux qui restaient "laissez tomber les gars, la traite négrière a cessée, vous pouvez regagner le continent". J’ai appris qu’on pouvait faire pousser des vignes sur une coulée de lave, j’ai appris à jouer au Uri (awalé), j’ai appris la patiente en attendant les bateaux qui assurent les liaisons d’une ile à l’autre, j’ai appris que les capverdiens avaient le cœur fragile dans la houle, j’ai appris que pour dépecer un poisson, il n’y a pas plus efficace que les dents, j’ai appris qu’on doit les nombreuses petites têtes blondes croisées sur l’Ile de Fogo à la vigueur d’un certain Montrond, français exilé sur l’ile et grand amateur de femmes. J’ai écouté les mornas de Cesária Evora et goûter à la mélancolie. J’ai bu le rhum capverdien (grogue) et parlé avec Ninu, Oscar, Tito, Nanda, Nelson, Octavio, Eva et d’autres. J’ai appris à apprécier les concours de circonstances.